Autour d’Andromaque
Proposition pour une résidence en collège
Pour ma prochaine création, j’imagine une version plastique et singulière de la pièce classique Andromaque de Racine. Mon désir de monter Andromaque s’est d’abord manifesté par le désir d’une scénographie pour un texte classique traitant du retour de Troie. La porte d’entrée de la mise en scène que je souhaite faire d’Andromaque est une proposition plastique créant une dynamique génératrice d’accident, de surprise et de combat avec la matière.
Ici, dans une scénographie instable où la destruction est à l’œuvre, je place les
protagonistes d’Andromaque. Le palais est un personnage à part entière. Un
conglomérat de placoplâtres, de toiles peintes, de plaque de bois, de glaise, de
cendre, de végétaux, de moisissures, de métaux créera un espace vivant troublé par d’incessantes perturbations. Le décor rentrera en collision avec les acteurs.
Je propose donc lors de cette résidence une autre approche d'un texte classique afin de déconstruire les appréhensions et les clichées que l'on peut avoir, à juste titre, lorsqu'on évoque la tragédie. Elle est souvent considérée comme ennuyeuse. Tout d'abord du fait de la versification qui peut créer une mélodie soporifique. Ensuite par sa représentation esthétique qui, il faut bien l'admettre, s'oriente communément vers une sobriété austère.
J’ai un vif désir de venir chahuter la rigidité et le hiératisme attachés à cette
représentation de la tragédie. L’énormité du chaos plastique que je souhaite mettre en scène poussera le tragique à la frontière du burlesque. Il me semble nécessaire si l'on souhaite monter Andromaque aujourd'hui de tenter quelque chose, d'oser autre chose que le plateau presque nu, la verticalité des acteurs et du décor, l'idée que le texte se suffit à lui seul.
Il faut réinsuffler de l'amusement et ne pas s'enfermer dans une posture tragique "d'office. La question que je pose donc est : "Peut-on s'amuser avec la tragédie ?" bien sûr je n'entends pas ici basculer dans un registre parodique à la Monty Python. Je souhaite, grâce à la scénographie d'une catastrophe (l'effondrement du palais), pousser le tragique à l'extrême. Je propose de bousculer les codes, d'aller explorer d'autres registres comme le film catastrophe, qui parle d’ailleurs énormément à des adolescents. Ici, chez Racine la catastrophe est trop grande. Personne ne va y survivre. Alors suivons son indication jusqu'au bout et construisons une énorme catastrophe.
La proposition peut être simple et ne nécessite pas de grands moyens.
C'est un personnage qui tente de dire son texte et qui :
- S'emmêle dans un fil de laine infini
- Reçoit une pluie de projectile (non dangereux) en tout genre
- Marche sur un sol instable
- Tente de sortir d'une trop grande tenture
- Déclenche une petite catapulte
- Trouve son chemin dans la fumée
Il s'agit ici de fabriquer des petites machineries et ensuite de s'amuser avec. Nous pourrons travailler en collaboration avec le professeur d'art plastique et le professeur de technologie s'ils le souhaitent. Il s'agit donc d'une proposition qui met le texte de racine à l'épreuve de la matière et du corps afin d'aller interroger une nouvelle génération sur cette langue qui a structuré le Français. C'est important pour moi d'aller me confronter à leur ressenti au sujet d'une œuvre classique. Je souhaite ouvrir le capot de ce texte afin de plonger les mains dans le cambouis. Il s'agit d'aller interroger l'ennui que ce type de texte peut susciter et de chercher avec les élèves comment le rendre attractif.